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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
5 novembre 2006

PLF 2007 : Examen de la contribution de la France au budget européen

Mercredi 29 novembre 2006, Denis Badré, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, a défendu l'article 32 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au buget des Communautés européennes, en présence de Catherine Colonna, ministre délégué aux affaires européennes.

Nous sommes réunis ce matin pour examiner l'article 32 du projet de loi de finances pour 2007, qui fixe à 18,696 milliards d'euros le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Ce chiffre peut paraître important. En valeur absolue, il l'est dans la mesure où il représente 6,9 % de nos recettes fiscales nettes. Il est tout de même modéré si l'on considère qu'il correspond à 1 % de notre produit intérieur brut, le PIB, puisque le projet de loi de finances pour 2007 table sur un PIB de 1 856 milliards d'euros.

Ces 18,696 milliards d'euros représentent également, ce qui relativise notre débat, la moitié des crédits réservés à la mission « Défense » et un tiers des crédits réservés à la mission « Enseignement scolaire ». Le coût de l'Europe pour notre budget reste donc très modéré, et cela d'autant plus si l'on considère que ces 18,696 milliards d'euros sont l'un des meilleurs investissements que la France puisse faire.

Bien sûr, une analyse en termes de « retour net », qui est détestable et que je critique régulièrement, tendrait à démontrer que la France n'en a pas du tout pour son argent puisque notre pays est contributeur net. Ce débat est bien peu communautaire. Je m'y arrête de nouveau pour condamner ce type d'approche, qui fait du mal à la France et à l'Europe.

Cette analyse, qui nous classe parmi les contributeurs nets, dénature l'image de l'Europe aux yeux des Français. Affirmer que l'Europe a un coût pour la France en limitant la comptabilité des retours à ce qui est chiffrable et localisable dans chaque pays n'est ni honnête ni juste.

Le meilleur exemple est la politique agricole commune, la PAC, dont le retour est supérieur à 10 milliards d'euros. En rappelant l'importance de cette somme, on dresse certains Français contre d'autres, ce qui est désastreux.

On n'insiste pas assez sur le fait que les crédits réservés aux pays concernés par l'élargissement donnent très souvent lieu à des investissements réalisés par des entreprises d'autres États, notamment par des entreprises françaises.

Ces crédits sont comptabilisés au titre des sommes accordées à ces États, mais nous en bénéficions également puisqu'ils élargissent notre marché, ce qui n'est pas sans intérêt pour notre pays.

Je peux citer également l'exemple des crédits des réseaux transeuropéens. Il est évident que, lorsqu'on aménage un port, un aéroport ou une voie de communication dans un des pays de l'Union, cette infrastructure profite à l'ensemble des autres pays, car elle rapproche entre eux les citoyens des différents États de l'Union.

Cette démonstration vaut également pour la libre circulation et le marché unique, dont tout le monde bénéficie. Or il n'y a de retombées chiffrables, identifiables, dans aucun des États membres ! Mais c'est tout l'intérêt pour notre pays d'investir 18,696 milliards d'euros dans le budget des Communautés européennes.

La démonstration vaut aussi pour la défense ou la mise en place d'une politique communautaire de la recherche ou de l'énergie, dont tout le monde bénéficiera, sans que les retombées soient forcément localisables dans tel ou tel pays.

Consacrer 18,696 milliards d'euros de notre budget pour garantir durablement la démocratie, la paix et la liberté, c'est ce qui est le moins localisable, mais le plus bénéfique et ce n'est pas cher payé ! C'est moins coûteux, en tout cas, que n'importe quelle guerre !

Le débat sur le « retour net », que je condamne, défait l'Europe et ramène chaque État dans ses frontières, en négligeant le fait qu'aucun des États membres de l'Union n'a plus d'avenir aujourd'hui s'il s'enferme à l'intérieur de ses frontières.

Bien sûr, pour que la solidarité soit valable, il faut que les intérêts nationaux de chacun s'expriment et soient pris en compte.

L'Europe a été instituée en raison de l'existence d'intérêts communs autrement plus lourds que les simples intérêts nationaux. Mais ce n'est pas parce que ces intérêts sont communs que les États peuvent s'en débarrasser ou doivent s'en désintéresser. Ces intérêts, parce qu'ils sont communs, ne deviennent pas pour autant la préoccupation exclusive d'une entité abstraite bruxelloise : ils doivent rester notre problème à tous ! L'Europe, c'est d'abord nous tous !

À cet égard, je souhaiterais que l'on insiste dans les semaines à venir sur le fait que le Président de la République française qui sera élu le 6 mai prochain sera en même temps membre du Conseil européen. C'est bien en ayant cette double perspective à l'esprit que nous devons faire notre choix.

Dans ce contexte, l'enjeu européen ne doit pas, lors de la campagne électorale, être uniquement une figure imposée ou un mal nécessaire, voire un sujet qui risque de faire perdre des voix.

Nous, les parlementaires nationaux, devons rappeler qu'il y a une attente d'Europe en chaque Européen, en chaque Français.

C'est la raison pour laquelle la dimension européenne de cette campagne présidentielle doit être importante.

À cet égard, la polémique sur le chèque britannique, sujet à la fine pointe du débat sur le « retour net », devient proprement surréaliste. Pourtant, cela coûte cher à la France : 1,4 milliard d'euros par an, soit une contribution à hauteur de 27 %.

Comparée à notre participation au budget des Communautés européennes, cette contribution au chèque britannique représente près de 10 %, ce qui n'est plus du tout marginal.

Mais ne condamnons pas les Anglo-Saxons, car le débat se situe plutôt au niveau des intérêts nationaux. Ils ont trouvé cet argument pour faire prévaloir le fait que leurs intérêts nationaux n'étaient pas suffisamment pris en compte et que l'intérêt commun leur échappait assez largement.

Nous entrons aussi dans le débat, lorsque nous défendons bec et ongles la PAC, et nous le payons souvent cher sur d'autres sujets, comme le chèque britannique. Tous, nous voyons se heurter les intérêts nationaux et s'éloigner les intérêts communs. Mais, sur ce point, je n'irai pas plus loin.

Aujourd'hui, nous constatons que l'Europe est asphyxiée par le choc des intérêts nationaux, le traité de Nice ne lui donnant pas les capacités de décision dont elle a besoin. L'essentiel disparaît, et la panne européenne s'installe.

Madame la ministre, c'est une priorité, il faut sortir de l'impasse institutionnelle. Plus encore, il faut, à mon sens, restaurer le sens de l'intérêt commun. Sans intérêt commun, pourquoi une Europe ?

Après avoir apporté cet éclairage, je rappellerai que nous devons aujourd'hui voter le prélèvement opéré sur les recettes de l'État sans avoir un droit de regard sur les dépenses du budget européen. Je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises, et j'y insiste largement, un budget dont les recettes sont votées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen n'a rien d'un vrai budget démocratique ! Personne ne peut s'y retrouver. Cela dit, j'évoquerai quelques signes encourageants.

Tout d'abord, sur cet aspect budgétaire, je tiens à saluer votre engagement personnel, madame la ministre. De tous les ministres avec lesquels j'ai eu le bonheur de travailler, vous êtes l'un des premiers à être le plus monté en ligne. C'est la réalité ; je l'ai constaté, car je travaille avec vous de manière assidue sur cette question.

Par ailleurs, l'idée d'intégrer la question du budget des Communautés européennes dans la réflexion menée sur le devenir de nos institutions progresse, ce qui est positif. Cette question n'était pas du tout évoquée dans le traité institutionnel ; c'était d'ailleurs la seule lacune que j'avais identifiée à l'époque. Mais peut-être n'était-il pas encore temps de le faire ! Aujourd'hui, nous devons approfondir cette réflexion, qui me semble susceptible de donner lieu à un vrai débat.

Dans ce budget, nous intervenons au cours de la procédure. Le Conseil européen a fixé l'augmentation des crédits de paiement à 3,8 % par rapport au budget de 2006, alors que le Parlement européen demande une augmentation de 8,9 %. La concertation qui s'est déroulée le 21 novembre dernier entre le Parlement et le Conseil a échoué.

Nous sommes donc dans le cours d'une procédure complètement floue et laborieuse, qui se situe elle-même dans un contexte particulier dans la mesure où ce budget sera le premier concerné par les nouvelles perspectives financières arrêtées pour les années 2007-2013. Au début de cette année, la présidence autrichienne s'est également déroulée dans des conditions particulièrement laborieuses. Nous voyons de nouveau surgir les difficultés auxquelles se heurte l'Union européenne pour prendre des décisions. Au-delà, elle est confrontée à d'autres difficultés, car on n'est au clair ni sur les compétences ni sur le principe de subsidiarité. En la matière, il faut faire des progrès significatifs.

Je me contenterai de dire que ce budget est bon pour ce qui concerne la recherche et les réseaux transeuropéens, et je constate que la rigueur progresse. Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter l'article 32, considérant qu'il n'est pas de l'intérêt de la France d'ouvrir une nouvelle crise européenne, en refusant d'apporter sa contribution au budget européen. Mais, pour que notre vote prenne tout son sens, encore nous faut-il maintenant répondre à la vraie question : Que fait-on maintenant ?

Nous ne devons pas rester là à attendre la prochaine présidence, puis la prochaine élection, ou vice versa selon les Etats, pour prendre des décisions parce qu'il y a toujours une échéance à venir. Pourtant, en ce moment, on s'installe dans cette situation ! Il faut sortir de ce schéma et avancer. Une occasion nous en est donnée avec l'échéance de 2009.

Mon propos s'inscrit strictement dans le domaine budgétaire. L'exercice budgétaire sur les perspectives financières pour 2007-2013 s'est conclu avec la promesse de rouvrir le débat à mi-parcours, en 2009. Or, le second semestre de 2008 sera sous la présidence française, une présidence qu'il nous faut préparer dès maintenant, notamment en liaison avec l'Allemagne, qui assurera la présidence au premier semestre de 2007. Nous devons savoir ce que nous voulons en faire et travailler, dès le 1er janvier 2007, avec nos partenaires allemands sur des sujets cruciaux pour l'avenir de l'Europe, à savoir la modernisation des recettes et la réforme de la structure budgétaire, la réforme durable de la PAC, la restauration d'une vraie politique agricole, la réussite des élargissements de 2004 et de 2007, le lancement d'une politique de la recherche et de l'énergie, les progrès à faire en matière de défense européenne.

J'y ajouterai une grande politique européenne de codéveloppement. Plus le temps passe, plus je pense que cette politique pourrait être une solution pour sortir de l'impasse. Pourquoi ne pas réfléchir à son lancement ?

Cette politique de codéveloppement viserait à assurer des équilibres, que la stratégie de Lisbonne a tenté d'établir, pour sa part, en matière de recherche et d'innovation, démontrant que l'Europe entend être présente sur le débat relatif à la répartition des activités dans le monde.

Oui, il faut être compétitif par rapport aux pays les plus avancés. En mettant en oeuvre une politique européenne de codéveloppement, on donnerait du sens à l'action menée par la stratégie de Lisbonne et on redonnerait un certain élan à l'Europe, en veillant à ne pas creuser plus encore l'écart existant entre les pays les plus en difficulté et ceux qui sont les plus avancés, entre ceux qui manquent de tout et n'ont d'autre solution que de pratiquer le dumping social ou écologique ou de recourir à l'émigration et ceux qui préparent des jours meilleurs.

Cette politique nous permettrait de progresser sur les débats qu'engage concrètement chaque État membre, et chaque Européen, sur l'immigration ou les délocalisations d'activités. Ainsi, l'Europe pourrait renouer avec sa vraie vocation : servir la paix, et nos jeunes retrouveraient un vrai projet susceptible de les mobiliser.

Pour ma part, je souhaiterais que la France fasse cette proposition à ses partenaires, qui attendent toujours beaucoup d'elle. Ne restons pas dans la situation qu'a décrite dernièrement Jean-Claude Juncker devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

L'Europe, disait-il en substance, essaie de trouver des solutions pour redonner un élan à sa politique et évoque les cercles concentriques. Les Français se voient, bien évidemment, au centre de ces cercles, puisqu'ils doivent toujours être, selon eux, au centre de tout ! Or, il faut qu'ils sachent que, pour un certain nombre de leurs partenaires de l'Union européenne, notamment ceux qui ont voté en faveur de la Constitution européenne, en particulier les Luxembourgeois et les Espagnols, non seulement les Français ne sont pas au centre des projets qu'ils peuvent élaborer, mais ils n'en font pas du tout partie !

Ces propos, qui m'ont frappé, doivent nous ramener à une certaine humilité. Toutefois, sachant que nos partenaires attendent toujours beaucoup de nous, nous devons avoir l'ambition de leur proposer des solutions pour redonner un élan à l'Europe.

Montrons-leur que, plus que jamais, nous continuons à croire en l'Europe, celle de l'état de droit, de la paix et de la liberté plutôt que celle du « retour net ». Remettons-nous, avec ambition et modestie, au service de la construction européenne et, par là même, de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

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