Discours au Conseil National de l'UDF du 10 juin 2006
Mes chers amis, Au risque de vous décevoir, je ne vous
parlerai ni de finance, ni de l'Europe, mais je voudrais revenir sur un sujet
d'actualité en vous apportant un éclairage très concret de ce que peut être et
de ce que peut faire l'UDF en ce moment.
Nous avons tous entendu autour de nous, quelquefois
repris nous-mêmes, des critiques du genre : "L'UDF dit non, c'est stérile ; l'UDF critique le Gouvernement et
c’est donc qu’elle est tombée à gauche".
Je vais vous parler d'immigration. Nous sommes, en ce
moment, en plein dans le débat parlementaire sur le texte de loi sur
l'immigration et l'intégration. Après que nos collègues députés aient travaillé
ce texte, il est maintenant au Sénat. Nous avons appuyé nos interventions sur
ce sujet, sur les réflexions menées par l'UDF. Gilles Artigues rappelait à
l’instant le travail fait sur tous les sujets depuis 6 mois.
Avec Muguette DINI, et le Groupe UDF du Sénat, nous
avons auditionné tous ceux qui pouvaient avoir un éclairage à nous proposer
pour faire un travail de fond, sérieux débouchant sur des propositions
concrètes et précises. Et nous sommes partis dans le débat en disant non à un
texte dont nous considérions qu'il n'était pas bon.
Pourquoi n'était-il pas bon ? On a essayé de le
dire. Ce texte, à dix mois des échéances que nous savons, quelques mois
après un texte précédent portant sur le même sujet dont les textes
d'application ne sont même pas encore sortis, visait à l'évidence surtout un
effet d'affichage qui ne peut qu'exacerber certaines grandes peurs et ce n'est
pas le moment de le faire dans un contexte électoral forcément passionné
lui-même. N'ajoutons pas de la passion à un sujet qui est déjà excessivement
passionné.
Nous avons fait une critique de fond sur ce texte:
comment discuter d'immigration dans notre pays au sein d'une Union européenne
qui n'a plus de frontière intérieure ? Anne-Marie Comparini le disait tout
à l'heure : l'ensemble des Européens sentent ce sujet comme sensible. Et
de fait, ce n'est qu'au niveau européen que l'on pourra proposer des solutions
efficaces.
La vraie solution, par ailleurs, n'est pas d'essayer
de faire en sorte de barrer ou pas, l’accès à notre pays. La vraie solution
c’est d'aider les pays les plus pauvres à se développer. Cela aussi ne peut se
faire qu'au niveau européen, sinon on ne sera pas à la hauteur des besoins ni
de l'importance des problèmes qui se posent.
Nous avons dit non à ce que le texte appelle
« l'immigration choisie ». Et nous avons déposé un amendement de
suppression de l'article qui prévoit de mettre en place une carte compétences et talents. Cette
« approche »nous choquait.
Je vous développe en deux mots l'argumentaire que
j'ai présenté hier matin au Sénat, argumentaire qui venait défendre un
amendement de suppression déposé par l'UDF, alors qu'un même amendement de
suppression était déposé par les communistes et un autre par les socialistes.
Vous voyez que le décor était planté. On était
vraiment dans ce que les autres critiquent.
Argumentaire : 1 - cette disposition n'est pas
applicable. Comment définir les métiers qui nous intéressent et ceux qui ne
nous intéressent pas ? Comment, à l'intérieur de ces métiers, dire que telle
personne a la compétence voulue ou ne l’a pas ? Quels recours auront ces
personnes ? Etc.
Inapplicable. Mais l'objectif n'est pas de
l'appliquer car on n'aura pas le temps de sortir les textes d'application d'ici
la présidentielle. L’objectif était d'en parler.
2 - non opérationnel. Pourquoi ? En fait, sous
couvert de dire on va sélectionner ceux qui nous intéressent, on essaie de dire
sans l’oser vraiment : nous voulons fermer la porte à ceux qui ne nous
intéressent pas. En réalité, ceux qui ne nous intéressent pas, à qui
on veut fermer la porte, viendront quand même, comme clandestins et, ceux qui
nous intéressent nous ne les aurons de toutes façons pas, car la France n'est
pas attractive, car les meilleurs talents du monde vont aux Etats-Unis et pas
chez nous.
Je vois Gilles de Robien réagir. Sur l’attractivité
du pays, la solution est bien et largement autour de ce que fait notre appareil
éducatif, autour de ce que font nos entreprises, autour de ce que veulent et
attendent nos forces vives : que la France soit capable de mettre en place une
véritable politique d'attractivité et de compétitivité.
Je reviens à l'immigration, le troisième argument,
après le fait que ce n'était ni applicable ni opératoire -je l'ai indiqué et
personne n'avait osé le faire dans l'hémicycle- c'est moralement inacceptable
de dire qu'il y aurait des immigrés utiles et des immigrés pas utiles.
J'ai indiqué que les immigrés étaient tous des êtres
humains dignes de respect, condamnés par la situation de leur pays à le
quitter. Or jamais on ne quitte de gaieté de cœur sa famille et ses racines.
Ces femmes et ces hommes doivent donc être tous respectés, sans
discriminations !
Partant de là, parler d'une immigration choisie est
inacceptable pour nous, excepté si elle est choisie, par nous, par les pays
d'origine et par ceux qui sont dans la situation, de n’avoir pas d'autres
issues que de fuir vers des pays développés comme le nôtre.
Nous avons donc dit : non. Nous avons refusé cet
article carte des compétences et
talents, dans des conditions appréciées par tous dans l'hémicycle, y
compris par mes collègues de l'UMP qui prenaient peu la parole mais aussi par
la gauche; sur tous les bancs nous avons entendu : "C'est ce que l'on aurait dû dire".
Dans la foulée, pour bien montrer que nous tirions partie
de la réflexion que nous avons conduite au préalable, nous avons fait une série
de contre-propositions. Nous avons fait adopter par le Sénat avec l’approbation
du Gouvernement, qui a reconnu qu'il n'y avait pas d'autres solutions, toute
une série d'amendements, Notre « non » n'était pas stérile.
Nous sommes arrivés à une solution dans laquelle,
dans le cadre d'une politique de co-développement bâtie dans le contexte
d'accords bilatéraux, pays à pays, France avec chacun des pays, seront
négociées les conditions dans lesquelles c'est intéressant pour eux et pour
nous de gérer ensemble les flux migratoires.
Nous avons mis un certain nombre de limitation,
notamment dans le temps, pour la présence des immigrés de ce profil pour qu'à
terme ils retournent faire profiter leur pays de l'expérience acquise chez nous
et qu'ils soient porteurs des valeurs de la francophonie et porteurs d'accords
complets, solides, féconds entre notre pays et l'Afrique, base d'une vraie
politique africaine que la France n'a jamais vraiment eue dans cet esprit.
Dans ce contexte, l'article ainsi modifié a été
adopté par le Sénat, et c’est notre texte qui a été adopté. J'ai vu nos
collègues UMP qui ont dit : "Tu as
bien de la chance d'avoir pu dire ce que tu voulais, car on pensait comme toi
et on aurait bien voulu pouvoir le dire".
Nos collègues de gauche ont demandé un scrutin public
sur l'amendement de suppression de l'article. Nous avions retiré notre
amendement de suppression et ils avaient maintenu le leur. Nous n'avons pas
participé au vote sur cette question qui n'en était plus une pour nous, mais
nous avons adopté l’article modifié, qui, lui, n’était plus celui proposé par
le Gouvernement mais le nôtre.
Il a été possible de faire avancer le débat sous les
couleurs de l'UDF.
La voix de l'UDF peut se faire entendre aujourd'hui.
Oui la voix de l'UDF se fera entendre demain pour éclairer et préparer l'avenir
que la France et l'Europe attendent, l'avenir au regard duquel notre famille
politique a donc une responsabilité énorme.
C'est pour cela que nous travaillons, que nous réfléchissons et que nous proposons, c’est pour cela que nous nous tournons résolument vers cette lumière, dont parlait Jean-Marie Cavada à l'instant, lumière qui éclaire la route sur laquelle nous nous sommes engagés résolument avec confiance et enthousiasme.