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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
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13 avril 2006

Droits de l'homme

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Intervention de Denis Badré en séance, au Sénat, le 11 mai sur le « respect effectif des Droits de l’Homme en France ».

M. Denis Badré. Monsieur le garde des sceaux, comme je suis le second orateur de l'UDF, ainsi que le dernier intervenant du débat avant vous-même, je ne peux que constater que tout a été dit, ou presque, sur l'état de nos centres de rétention et de nos prisons et sur ce que nous pouvons penser du rapport du commissaire au Conseil de l'Europe Gil-Robles. Je tenterai cependant, si c'est possible, d'aborder des questions qui n'ont pas encore été soulevées.

À mon tour, je remercie et félicite Jacques Pelletier d'avoir pris l'initiative de ce débat. Celui-ci vient à son heure, pour toutes les raisons qui ont été évoquées par les orateurs précédents, auxquelles j'ajouterai une autre considération.

Francis Grignon évoquait tout à l'heure le Conseil de l'Europe, en rappelant le rôle joué dans la genèse de cette institution par la France et par René Cassin, voilà près de soixante ans.

Je situerai mon propos dans le contexte de la panne - le mot est faible - que subit la construction européenne en ce moment. Aujourd'hui, il est urgent que l'Union européenne retrouve le sens de l'intérêt commun. Elle ne sortira de la crise qu'elle traverse que si elle s'efforce d'avancer dans cette direction.

Pour cela, elle doit se souvenir qu'elle a été créée pour construire la paix et, plus largement, pour défendre tous les droits de l'homme. Telle est la finalité profonde de la construction européenne.

Bien sûr, la « méthode Schuman », à laquelle je rends hommage tous les jours, nous a incités à construire la paix en apprenant aux hommes à travailler ensemble. Elle nous a encouragés à bâtir une grande oeuvre humaine et à la faire entrer dans notre vie quotidienne.

Malheureusement, le balancier est allé un peu loin du côté de la gestion du quotidien. Aujourd'hui, nous avons quelque peu perdu de vue la finalité profonde de la construction européenne, à savoir, je le répète, la défense de la paix et des droits de l'homme. Il revient à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe d'assumer un rôle central en nous rappelant cette finalité.

À cet égard, le rapport de l'ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Álvaro Gil-Robles, a eu le mérite de réveiller nos esprits et de nous ramener à l'essentiel en remettant en avant le rôle incombant à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui est de nous rappeler à temps et à contretemps qu'il n'y a pas d'entreprise et de prospérité sans liberté ni de développement sans respect des droits de l'homme.

Puisque la paix est la finalité de la construction européenne, je rappellerai ce qu'avait déclaré Paul VI au cours de son pontificat : « Le développement est le nouveau nom de la paix ».

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Populorum progressio !

M. Denis Badré. Absolument, monsieur le ministre ! Vous le voyez, je ne cite pas que Jean-Paul II ! (Sourires.)

Par développement, nous entendons celui de tous les hommes et de tous les peuples de notre planète. Il n'y aura pas de paix si nous ne prenons pas conscience de cette nécessité.

Dans un tel contexte, nous nous interrogeons régulièrement à Strasbourg pour savoir si certains pays ont toujours leur place au sein du Conseil de l'Europe et s'ils en respectent toujours la charte. Ainsi, certains, au cours des débats, demandent l'exclusion de tel ou tel pays pour non-respect des droits de l'homme. Récemment, c'est l'Azerbaïdjan qui a ainsi été stigmatisé pour des conditions de vote jugées incorrectes lors des dernières élections.

Pour ma part, je suis de ceux qui pensent qu'il ne faut pas exclure ces pays. En effet, il est souhaitable d'avoir une assemblée réunissant tous les peuples d'Europe, au sein de laquelle nous puissions pratiquer la « correction fraternelle », dans la réciprocité. Autrement dit, si nous voulons être crédibles quand nous jugeons les autres, nous devons accepter les regards extérieurs sur nous-mêmes.

En ce sens, il nous faut tenir compte des remarques de M. Gil-Robles, respecter ce qu'il a écrit. Personnalité à l'autorité incontestée, il ne peut que nous alerter dans sa manière de percevoir la situation de notre pays. Sur certains points, il a effectivement pointé du doigt de réels problèmes. Sur d'autres, il a quelque peu exagéré, n'évitant pas les excès ni les inexactitudes.

En tout cas, il faut lire son rapport sereinement et objectivement. Si nous voulons être crédibles lorsque nous participons à la condamnation des crimes des régimes communistes autoritaires, nous devons accepter que d'autres portent un regard sur nos propres pratiques. Tout est lié : nous devons admettre les critiques sereinement, si nous voulons garder une influence.

D'ailleurs, monsieur le ministre, notre participation au Conseil de l'Europe est à l'origine de bien des réformes dans notre pays, depuis l'acceptation du recours individuel jusqu'à l'institution de l'appel pour les verdicts de cour d'assises et l'organisation d'un nouveau procès lorsqu'une procédure a été jugée non conforme par la Cour européenne des droits de l'homme.

À ce titre, je me plais à relever dans le rapport de M. Gil-Robles la reconnaissance de nombre d'améliorations récentes, au profit, par exemple, des détenus, y compris des détenus étrangers en situation irrégulière.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je voudrais moi aussi, après Jacques Pelletier, attirer votre attention sur la convention pénitentiaire européenne. Cette question, sur laquelle notre collègue député Michel Hunault s'est fortement impliqué, a fait l'objet d'un long débat lors d'une récente session à Strasbourg. Nous avons d'ailleurs insisté auprès de notre ambassadeur auprès du Conseil de l'Europe pour qu'il transmette à l'ensemble du Gouvernement les propos qui ont été tenus à cette occasion.

Monsieur le ministre, désormais, les temps sont mûrs pour que la France ratifie cette convention. Il s'agirait d'une décision symbolique et d'un signal fort : dans le contexte actuel, nous montrerions notre attachement à nous inscrire dans le monde réel et à contribuer, comme nous l'avons toujours fait, à la promotion des droits de l'homme, non seulement sur notre vieux continent, mais aussi dans le reste du monde.

Sur ce point, le débat d'aujourd'hui s'est révélé très précieux. Si nous arrivons à progresser dans un bon état d'esprit sur des sujets concrets comme la convention pénitentiaire européenne, alors la France honorera vraiment sa réputation de patrie des droits de l'homme : elle assumera mieux son rôle, sa responsabilité de pays fondateur de la communauté européenne. En ce sens, nous aurons contribué à relancer la construction européenne sur de bonnes bases, ces bases qui doivent permettre à l'Europe de renouer avec son histoire et avec son destin. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

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