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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
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9 décembre 2004

Budget européen

Intervention de Denis Badré

le 1er décembre au Sénat

 

 

    "L'article 43 évalue le prélèvement opéré sur nos finances publiques pour alimenter le budget européen à 16,57 milliards d'euros pour 2005, soit 6 % des recettes fiscales nettes. Ce montant est à peu près égal au niveau prévu par la loi de finances pour 2004 : on peut penser que tout va bien.

 

     En réalité, la consommation du prélèvement pour 2004 est inférieure de 8 % à la prévision initiale. L'évaluation reste très imprécise : le prélèvement était surévalué d'un milliard d'euros en 2004, sous-évalué de 500 millions en 2003, surévalué de deux milliards en 2002. Si l'on accepte cette évaluation on est en règle – alors que si on s'y refuse on ouvre une crise fâcheuse. Le budget européen n'est pas un vrai budget fondé sur le principe du consentement à l'impôt. Les recettes sont votées par les Parlements nationaux, les dépenses par le Parlement européen. Comment le citoyen européen peut-il s'y reconnaître et s'approprier l'Europe ? Je regrette que cette question n'ait pas été abordée par la convention. Il faut engranger l'acquis dans la Constitution, œuvrer pour un budget lisible, sincère, contrôlable.

 

     Le débat sur le plafonnement des contributions en dit long : les États font primer les intérêts nationaux sur l'intérêt commun. C'est pourtant un intérêt bien plus fort ! Il faut relativiser le débat sur la part de P.N.B. affectée au budget européen et sur les retours nets. Il est anticommunautaire et surtout biaisé : 90 % des recettes sont localisables, contre seulement 75 % des dépenses. Beaucoup de crédits, par exemple ceux consacrés aux opérations extérieures, vont ailleurs. Dire que nous sommes contributeur net accrédite l'idée que nous payons pour les autres, que l'Union européenne n'est pas bonne pour nous. C'est une idée détestable. On sous-estime le fait que le développement des nouveaux pays sert nos entreprises, que construire un aéroport dans un État membre favorise les échanges, que la politique agricole commune (P.A.C.) ne bénéficie pas qu'à nos agriculteurs mais à l'ensemble des consommateurs européens. La libre circulation et l'harmonisation sont intéressantes pour tous, elles donnent à l'Union plus de poids face à l'organisation mondiale du commerce (O.M.C.). Les « invisibles » que sont la démocratie et la paix sur notre continent n'ont pas de prix.

 

     L'affaire du chèque britannique est plus que jamais d'actualité. L'enjeu est de 5,1 milliards d'euros : pour la France la facture s'élève à 1,4 milliard, soit près de deux fois le budget de l'environnement et du développement durable. La question est loin d'être marginale d'autant que le chèque britannique passera à sept milliards d'euros dans deux ans, mais le principe de l'unanimité freine toute avancée. Il nous faudra trouver une issue par le haut en faisant prévaloir l'intérêt commun.

 

     Le débat sur les perspectives financières de l'Union qui s'ouvre est capital pour fixer l'encadrement du budget européen pour 2007- 2013.

  

     Lors de son adhésion en 1973, le P.I.B. de l'Irlande représentait 60 % du P.I.B. moyen des États membres ; celui du Portugal en 1985 n'était que de 40 %. Quant aux nouveaux pays d'Europe centrale, leur P.I.B. n'atteint qu'environ 20 % de la moyenne. Les élargissements sont de plus en plus difficiles : l'écart entre les niveaux de prospérité s'accroît, les pays concernés sont plus nombreux et plus peuplés.

 

     Cela coûte cher, mais ça rapporte gros. Il vaut mieux partager leur croissance, plus forte que la nôtre, les aider à se développer, élargir notre marché et étendre la démocratie : « il n'y a pas photo » ! D'ailleurs les États-Unis ne se sont pas mal trouvés dans le plan Marshall. À nous de réussir !

 

     Le budget a été fixé à 117 milliards par le Parlement européen, ce qui est normalement supérieur aux 116 milliards souhaités par le Conseil. Il augmente de 5 % pour les crédits d'engagement et de 10 % pour les crédits de paiement. C'est le premier budget qui prenne en compte l'élargissement sur douze mois. La réforme de la P.A.C. est complètement mise en œuvre. Les fonds structurels sont mieux consommés. Dans ces conditions, on peut juger normale la dérive budgétaire observée, même si la base sur laquelle elle se produit aurait besoin de plus de rigueur.

 

     La P.A.C. est à bout de souffle. Plutôt que de la rapiécer, on devrait la réinventer, en réaffirmant la préférence communautaire. C'était un bon principe. À force de coller rustine sur rustine on va dans le mur. La France s'arc-boute sur ce qu'est devenu la P.A.C., alors que celle-ci devrait être reprise.

 

     Les délocalisations sont devenues un des problèmes récurrents auxquels nous sommes confrontés. On ne s'en sortira qu'en aidant les pays peu développés, en renforçant l'harmonisation européenne et en se donnant les moyens de la compétitivité face aux États-Unis. Il faut pour cela mettre en place une politique européenne d'innovation, de progrès scientifique. Nous y parviendrons si nous sommes capables de faire évoluer les mentalités, par exemple en développant la notion de pôle de compétitivité. Avec les Français, les meilleurs mathématiciens du monde sont indiens ; il est anormal que ce soit à Boston que les uns et les autres aient des chances de se rencontrer ! Même si nous sommes à peine au milieu du gué nous devons être très admiratifs pour le chemin européen parcouru depuis un demi-siècle ; c'est en construisant encore plus d'Europe qu'on avance. Il faut poursuivre, tout en ayant conscience des difficultés de la tâche. Cela nécessite un budget plus rigoureux. Bruxelles doit se montrer aussi rigoureux pour son propre budget que pour celui des États membres. Je ne veux pas voir l'Europe s'exténuer, je veux la voir retrouver son souffle. C'est possible, si l'on en a la volonté ensemble, si la France joue son rôle pour relancer la construction européenne.

 

     Voilà pourquoi je vous demande de voter cet article 43 : sans état d'âme et avec lucidité pour fonder notre ambition sur une base européenne. On ne fera rien si l'on ne commence pas par voter cet article. (Applaudissements au centre et à droite.) "

 

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