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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
29 septembre 2007

Intervention sur PLF 2008

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, le Sénateur Denis Badré est intervenu, jeudi 22 novembre 2007, dans le débat de discussion générale.

Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Mes chers collègues,

Premier de la législature, le projet de loi de finances pour 2008 devrait nous permettre d'apprécier la volonté du Gouvernement de relancer la croissance économique et, en même temps, de rétablir l'équilibre de nos finances publiques.

Pourtant, monsieur le ministre, l'analyse de ce projet de loi de finances fait apparaître une rupture encore assez discrète. M. le rapporteur général, que l'on ne peut soupçonner de malveillance à l'égard du Gouvernement, définit lui-même ce projet comme s'inscrivant dans la continuité du budget pour 2007, dans les méthodes comme dans les chiffres. Quant au président de la commission des finances, il parlait d'un « budget de transition qui tend vers la sincérité ».

Je note tout de même un début de rupture : vous avez compris, monsieur le ministre, qu'il était urgent d'enrayer la fuite de nos capitaux. Nous trouvons dans ce projet de loi de finances la traduction de votre volonté à cet égard. Le président de la mission commune d'information mise en place par le Sénat pour étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation des compétences, des capitaux et des entreprises ne peut que s'en réjouir !

J'en reviens donc, après ce satisfecit liminaire, à l'impression qui se dégage de l'ensemble de ce projet de loi de finances.

Dans un contexte incertain et difficile, où la croissance se cherche, où le dollar flanche et où le pétrole flambe, vous semblez avoir choisi d'attendre. Votre projet est fondé sur une fourchette de croissance de 2 % à 2,5 %. En effet, il ne faut décourager personne, et nous savons bien que la présentation de prévisions trop sévères peut avoir des conséquences financières fâcheuses.

Comme on ne conçoit pas de « budget fourchette », même si des prévisions peuvent s'établir sur des fourchettes, il vous a fallu choisir un taux de croissance pour construire votre projet de loi de finances. Vous avez retenu la moyenne, soit 2,25 %, tout en sachant très bien - du moins je le suppose - que le risque de voir la croissance s'établir en 2008 à 2 % voire en dessous est malheureusement très réel. La valeur haute de votre fourchette, à 2,5 %, était très sympathique, votre référence de 2,25 % est assez peu crédible, le budget présenté sera donc difficile à exécuter. Mais il faut vivre d'espérance !

Mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur la question du déficit.

Finalement un peu réduit en 2007, le déficit devrait à nouveau s'accroître en 2008, aux termes du présent projet de loi de finances, pour atteindre 41,7 milliards d'euros, soit 8 % de plus que les 38,3 milliards d'euros constatés pour 2007.

Avec une croissance inférieure à votre prévision, monsieur le ministre, où en serons-nous au terme de l'année 2008 ? Je crains que le réveil ne soit douloureux !

Au mois de juillet, nous vous avons entendu affirmer que les promesses du Président de la République devaient devenir « la loi » et donc être « transposées dans notre droit » - un peu comme les directives européennes... Combien de fois avons-nous entendu dire par Mme Lagarde ou par vous-même : « c'est une promesse du Président de la République » !

J'avais cru comprendre que le candidat Sarkozy avait affiché, comme ses deux grands concurrents, une préoccupation très forte au sujet de notre déficit et que, comme eux, il avait pris l'engagement de le réduire « le plus rapidement possible » - j'emploierai cette expression qui me paraît à peu près objective et honnête. Restait à « transposer » cet engagement.

Or je ne suis pas sûr que « le plus rapidement possible » puisse correspondre à l'horizon 2012. Pis, je ne suis pas sûr non plus que l'on soit très crédible lorsque l'on affiche cet objectif. Dans ces conditions, les Français se réinstallent tout tranquillement dans l'idée que le déficit n'est pas un problème, qu'il est même normal, que l'on peut très bien vivre avec, et même plutôt mieux avec que sans... C'est bien dommage ! Ils avaient eu un éclair de lucidité pendant la campagne électorale présidentielle ; il aurait fallu l'exploiter immédiatement et complètement.

Cela étant, il ne faut pas baisser la garde sur ce sujet ! Notre déficit est une honte pour notre génération et ne nous grandit pas, nous responsables politiques. Il est inacceptable au simple plan des chiffres. Son maintien à un tel niveau est en outre un très mauvais signal envoyé aux Français, à nos partenaires en Europe et dans le monde.

Quand renoncerons-nous au moins à ce terme de « déficit » pour regarder la réalité en face et parler d' « emprunt » ? Cela ne coûterait rien et amènerait chacun à une réflexion un peu plus responsable et authentique.

Au stade atteint, on n'a en effet plus le droit de faire semblant de ne pas voir la situation, et surtout de ne pas voir que nous empruntons non pour préparer l'avenir, mais pour « fonctionner », pour vivre aujourd'hui. Jean Arthuis insistait fort justement sur ce point ce matin, avec toute l'autorité que nous lui connaissons.

Il ne s'agit pas d'une affaire marginale : il s'agit de 42 milliards d'euros !

C'est précisément l'ordre de grandeur de la charge annuelle de la dette. Nous voyons là une expression, mais bien triste, de la solidarité entre générations. Sans dette, nous équilibrerions notre budget ! Nous ne devons pas transférer cette dette, encore alourdie, à nos enfants.

C'est également l'ordre de grandeur de l'effort prévu dans le projet de loi de finances au titre du travail et de l'emploi. Au demeurant, Serge Dassault, rapporteur spécial des crédits de la mission correspondante et apôtre de la rupture, disait lui-même hier, en commission des finances, que tant qu'à dégager de tels moyens, on devrait pouvoir faire tout autre chose, et peut-être même plus avec moins. Mais, ajoutait-il, « les coups sont partis ». Y a-t-il une fatalité des « coups partis » ? Est-ce cela la rupture, ou la rupture relève-t-elle du surréalisme ?

Ce déficit de 42 milliards d'euros est aussi du même ordre de grandeur que les crédits affectés à notre défense. Il faut que les Français comprennent ce que représente ce déficit !

On me permettra maintenant d'insister quelque peu sur un point auquel je suis particulièrement sensible : notre déficit s'élève à près de deux fois et demie le montant de notre contribution au budget européen. Or notre participation à l'Union européenne, quoi qu'en pensent les détracteurs de celle-ci, nous rapporte bien plus, à tous égards et d'abord en nous offrant la paix, qu'un déficit qui nous aveugle au point de ne même plus le voir !

Oui, il fallait, au travers de ce projet de budget, prendre à bras-le-corps et comme priorité absolue la question de la réduction du déficit.

Vous me direz, monsieur le ministre, que vous la prenez en compte indirectement, en privilégiant tout ce qui peut soutenir la croissance.

Les choix faits au travers de la loi TEPA, votée le 1er août 2007, retiendront à nouveau notre attention. Avec cette loi, on creuse encore un déficit déjà insupportable, et ce pour un progrès futur assez hypothétique.

Vous avez choisi de relancer immédiatement la croissance en intervenant sur la demande. Comme le rappelait ce matin Jean Arthuis, on constate malheureusement, dans le monde ouvert d'aujourd'hui, que la demande intérieure stimule les importations sans que celles-ci entraînent pour autant les exportations. Nous n'avions pas les moyens de cette loi, dont les effets restent bien aléatoires, bien incertains ; et si même nous en avions eu les moyens, d'autres priorités à l'incidence plus sûre et plus rapide sur la croissance auraient sans doute dû être retenues !

En outre, vos choix ont suscité tout naturellement la critique selon laquelle on pouvait voir, dans certaines dispositions de ladite loi, des cadeaux fiscaux hors de saison. En cette semaine où se tient le congrès de l'Association des maires de France, je pense aux responsables de nos collectivités territoriales, qui n'hésiteraient pas un instant si on leur donnait le choix entre, d'une part, votre projet et, d'autre part, un peu moins de loi TEPA et un peu plus de dotation de compensation de la taxe professionnelle. Je pense que Michel Mercier reviendra sur ce point mardi prochain.

Nous avions dénoncé, en juillet dernier, la prise en compte, au titre des mesures fiscales décidées, des intérêts des prêts immobiliers déjà contractés. Vous nous aviez alors répondu qu'il s'agissait d'une promesse du Président de la République. Le Conseil constitutionnel vous a ensuite demandé de revoir votre copie : vous teniez là une occasion rêvée de réduire quelque peu la facture, mais vous préférez « persister et signer » en dépensant toujours, même si c'est autrement.

Ainsi, vous doublez l'aide pour les prêts à venir. Tant mieux pour les bénéficiaires de cette mesure, mais est-ce vraiment le montant de l'aide qui leur est accordée qui va les décider à acquérir un logement ? Si oui, ces acquisitions supplémentaires suffiront-elles à relancer la croissance au point de nous offrir un bon « retour sur investissement » ? J'en doute ! Il s'agit tout de même de 220 millions d'euros pour 2008, et de 840 millions d'euros par an en régime de croisière. J'espère me tromper, mais vous donnez fâcheusement le sentiment que le déficit n'est pas votre problème et que vous êtes dans une logique de dépense, logique que mon groupe a du mal à comprendre, a fortiori à accepter. Aujourd'hui, il faut éviter à tout prix d'envoyer de tels « mauvais signaux » à l'opinion.

Le groupe de l'Union centriste-UDF défendra donc un amendement de suppression de l'article 7 du projet de loi de finances, amendement qui présente un intérêt évident dans la mesure où il vise à réduire l'aggravation de notre déficit. Il a aussi valeur de symbole à nos yeux : on ne fera rien de durable tant que le cancer du déficit perdurera.

J'ai dit « durable » : quelle responsabilité est la nôtre, en effet, à l'égard de nos enfants !

Il est bien de parler de développement durable ; encore faut-il voir que la première mesure à prendre sur ce plan est la suppression du déficit. Pas de « Grenelle de l'environnement » crédible s'il n'y a d'abord condamnation durable de tout déficit de fonctionnement, s'il n'y a retour à l'équilibre du budget.

Le rapport Camdessus, commandé par Nicolas Sarkozy alors qu'il était ministre de l'économie et des finances, insistait lourdement et à très juste titre sur ce point. Dimanche dernier, j'entendais encore Luc Ferry conclure les Semaines sociales de France en indiquant que, si le monde s'organise autour des valeurs morales et socioéconomiques que constituent les droits de l'homme et le marché, il n'y a pas d'avenir pour l'homme ni pour notre société si l'on ne sait pas se référer, en plus et au-delà de ces valeurs nécessaires, à des valeurs spirituelles, au rang desquelles il plaçait la solidarité entre les générations, donc la nécessité de faire le choix d'un développement durable. Nous en sommes loin ! Nous sommes dans le discours, et non pas dans la réalité, dans l'action concrète.

Par ailleurs, il est bien d'afficher notre « retour en Europe ». La première mesure à prendre pour être crédible à cet égard, c'est à nouveau la suppression du déficit. En effet, si ce sont d'abord nos enfants qui paieront pour notre train de vie actuel et nos dettes, il faut également considérer que notre « laxisme » est aujourd'hui « porté » par nos partenaires européens. Imaginons que ces derniers optent, eux aussi, pour le même laxisme ! Où irions-nous ? Très vite, vers un euro « effondré », ce qui entraînerait des conséquences autrement plus terribles que celles dont on fait grief à l'euro fort.

Je suis très impressionné par les réactions de nos partenaires européens : ils sont vraiment choqués par nos choix et, du coup, ils doutent de nous. Sachons les entendre ! Notre « timidité » sur ce dossier du déficit et de la dette nous disqualifie complètement pour leur donner quelque leçon que ce soit concernant le pilotage économique, monétaire ou financier de l'Union européenne.

Il est bien d'avoir invité de grands Européens comme Mario Monti ou Evelyne Gebhardt à participer aux travaux de la commission Attali, mais c'est loin d'être suffisant ! Je les ai entendus ces jours-ci. N'en restons pas au discours ou à l'image, car nous serons jugés sur notre capacité à entrer dans le concret.

Dépassant la stricte analyse budgétaire, j'irai maintenant plus loin.

Quelle Europe préparons-nous si nous traitons avec distance les « engagements » mêmes que nous avons pris à l'égard de nos partenaires ? Par le traité de Maastricht, l'Union européenne a rappelé aux États membres la nécessité incontournable de l'équilibre budgétaire. Merci à l'Europe ! Nous n'avions pas les ressorts nécessaires pour y venir spontanément. Nous nous sommes donc donné des contraintes, quitte à en faire grief à l'Europe. Très normalement, nous nous sommes engagés, les uns à l'égard des autres, à tenir ensemble le cap de la rigueur. Tout cela serait aujourd'hui sans valeur ? Si on ne l'avait pas fait voilà dix ans, il faudrait le faire aujourd'hui, n'est-ce pas monsieur Arthuis ?

Nous avons encore moins droit que quiconque à la légèreté. En effet, comment inviter aujourd'hui les peuples d'Europe à aller de l'avant à vingt-sept si l'on ne réaffirme pas d'abord le principe du respect absolu des engagements ? Hors le respect de ce principe, pas d'Europe ! Je ne veux donc pas que la France prenne des libertés avec ses engagements européens.

L'efficacité et l'éthique se rejoignent ici. Je relève au passage que nous serions bien inspirés d'apprécier comme il le mérite l'effort réalisé par nos voisins Allemands, qui ont pu « digérer » la réunification et revenir à l'équilibre ! Dans ce domaine comme dans d'autres, nous sommes sans doute les meilleurs, mais certains sont encore meilleurs que nous !

Je formulerai une dernière observation sur le déficit.

Je rappelais à l'instant que la France n'est pas seule en Europe ; c'est a fortiori vrai à l'échelle mondiale. Les déficits que s'autorisent de grandes nations comme les États-Unis ou la France, qui disposent de ressources telles qu'elles ne sont pas « condamnées » au laxisme, viennent préempter les ressources financières offertes par les marchés internationaux au détriment de ceux qui en auraient vraiment besoin, à savoir des pays que nous n'avons moralement pas le droit de condamner au non-développement, sauf d'ailleurs à le payer chèrement nous-mêmes en voyant alors se multiplier les flux migratoires et les délocalisations d'activité incontrôlables, sauf à léguer à nos enfants non seulement le paiement de nos retraites et de nos dettes, mais aussi un monde bien dangereux et assez peu « durable ».

En l'état, monsieur le ministre, vous l'aurez compris, ce projet de loi de finances pose quelques problèmes aux membres de mon groupe. Ces derniers s'attacheront donc à explorer avec vous les marges d'amélioration qui existent. Bien plus, ils souhaitent d'abord que vous adressiez aux Français et à l'Europe, sous quelque forme que ce soit, un message fort condamnant les déficits. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)

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