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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
17 juin 2007

Intervention sur le Conseil européen

Intervention de Denis Badré, en séance publique mercredi 4 juillet, au débat suite à la déclaration du Gouvernement sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités. Le Sénateur est intervenu au nom du groupe UC-UDF.

Monsieur le président,
Messieurs les secrétaires d'État,
Mes chers collègues,

Une présidence stabilisée, un ministre des affaires étrangères, ou encore l'extension du vote à la majorité qualifiée, voilà des points clés du traité institutionnel repris par l'accord du Conseil européen.

Il était indispensable et urgent que, par cet accord, l'Europe sorte de la panne qui la minait. Et il fallait que la France y prenne sa part. En effet, nos partenaires continuaient à nous attendre, malgré notre « non » au référendum, que pourtant ils comprenaient mal et jugeaient parfois sévèrement, et peut-être à cause de ce « non », qui nous donnait des responsabilités particulières à leurs yeux pour sortir de la crise.

Nous sommes donc heureux de cet accord qui, sans redonner encore son plein élan à la construction européenne, permet cependant son redémarrage.

Nous devons cet accord à l'action déterminée de nos deux ministres, aux côtés du Président de la République dont nous saluons l'engagement personnel exceptionnel sur ce dossier.

Nous devons aussi cet accord aux efforts consentis par les États ayant ratifié le traité, qui ont accepté « de pas trop mauvaise grâce » d'entrer dans la recherche d'un nouveau compromis. Aurions-nous été aussi beaux joueurs à leur place ?

Je salue en particulier l'attitude des nouveaux membres de l'Union, qui ont d'emblée accepté de jouer activement le jeu communautaire.

Enfin, et surtout, nous devons cet accord à l'action tenace et à la volonté inébranlable d'Angela Merkel et de tous les membres de l'équipe de la Chancellerie allemande. Ils avaient décidé de tout faire pour « bien conclure », sur un mandat clair, détaillé et précis, que la CIG n'aurait plus qu'à mettre en forme, sans qu'il soit besoin de prévoir de nouveaux arbitrages.

S'agissant des éléments de cet accord, soyons justes en rappelant d'abord qu'il faut mettre au crédit de la Convention le travail remarquable qu'elle a accompli à travers les années - on ne le dira jamais assez, cher président Haenel !

N'oublions pas non plus le rôle patient de la Commission, du Parlement européen et des parlements nationaux, qui ont su, très régulièrement et fortement, exprimer l'intérêt commun et l'attente des peuples.

L'Europe est-elle sauvée, pour reprendre l'expression employée par le Président de la République à Strasbourg ? Je l'espère, mais il va falloir encore travailler beaucoup pour transformer l'essai marqué afin que l'Union retrouve son plein élan.

Il faudra bien sûr que le texte, qui devrait pouvoir être finalisé dès octobre à Porto, soit ratifié par les vingt-sept États, et le plus tôt sera le mieux. J'aimerais que la France se donne les moyens de se montrer exemplaire à cet égard. Une fois ne serait pas coutume ; je sais trop combien nous prenons systématiquement du retard dans la transcription de textes communautaires en droit français !

N'oublions pas, en effet, que d'autres débats difficiles nous attendent, qui intéresseront en particulier la présidence française du second semestre 2008. Je pense, notamment, au réexamen à mi-parcours des perspectives financières, à la politique agricole commune, à la recherche, à l'énergie, ou encore au co-développement, pour citer des politiques dont l'ouverture du monde nous interdit de sous-estimer l'importance comme la difficulté.

L'actualité évoque de possibles remises en cause de l'accord par l'un des vingt-sept États. Monsieur le secrétaire d'État, cela ne peut être toléré ! Comment construire dans la durée si un accord accepté n'engage pas ?

Cela étant, ne nous étonnons pas devant l'apparition de telles « régressions ». Le Conseil a bien été conduit à accepter des demandes reconventionnelles présentées par des États qui, contrairement à l'engagement général auquel ils avaient souscrit, n'avaient même pas soumis à ratification dans leur pays le traité institutionnel. Ce sont même ces États, me semble-t-il, qui ont opposé avec le plus de brutalité les principaux obstacles à l'accord !

Peut-être ne pouvait-on faire autrement que d'entrer dans leur jeu, mais c'est un précédent bien fâcheux !

Qu'un échec de ratification amène un État à demander qu'une question soit reconsidérée, on peut parfaitement le comprendre. Sauf évidemment un fait nouveau important, aucun autre argument ne peut, à mon sens, être avancé pour justifier la réouverture d'un dossier clos sur un accord. Il faut un minimum de confiance mutuelle pour construire l'Union !

Transformer l'essai pour retrouver l'élan, c'est aussi avoir l'humilité de reconnaître que, sinon quant au fond du moins dans la forme et la présentation, le Conseil a un peu travaillé a minima.

Avec le souci de n'effaroucher personne, il a renoncé à la codification que comportait le traité institutionnel, alors qu'elle était, par sa nature même, porteuse de simplifications. Il a renoncé à l'appellation de « ministre des affaires étrangères », pourtant très lisible. Il a renoncé à citer les symboles de l'Union, dans lesquels nombre de citoyens aiment cependant à se reconnaître.

À l'évidence, il vaut mieux les utiliser sans les citer plutôt que les citer sans les utiliser ! Il n'empêche que l'on aurait peut-être gagné à être un peu moins frileux et à faire les deux. Je préfère, pour ma part, une Europe qui ose s'afficher et qui veut aussi parler au cœur !

Mais passons ! Monsieur le secrétaire d'État, je compte sur vous pour faire pavoiser aux couleurs nationales et européennes tout ce qui pourra l'être, et pour faire effectivement vivre les autres symboles de l'Union.

Surtout, nous devons travailler désormais à restaurer l'esprit communautaire. À cet égard, je veux dénoncer trois « fautes » contre cet esprit.

La première nous concerne, nous Français. Laisser filer le déficit, contrairement au traité et aux solidarités élémentaires, ne constitue pas un bon message envoyé à nos partenaires. Vous allez nous expliquer que c'est nécessaire pour retrouver la confiance, donc pour relancer la croissance. Peut-être ! Il reste à le démontrer. Mais ce fait est très mal perçu par nos partenaires, et cela compte !

La deuxième « faute » contre l'esprit communautaire vise cette fois nos amis britanniques, qui ont délibérément choisi d'ignorer les « valeurs communes » en refusant la Charte des droits fondamentaux. Cela me paraît plus grave que le fait de s'exonérer de Schengen ou de l'euro. En effet, c'est le coeur et la finalité de la construction européenne qui sont ainsi atteints.

À ce point, on peut s'interroger sur leur place dans l'Union.

Enfin, la troisième « faute » contre l'esprit communautaire vise les responsables polonais. Il importe de condamner sans appel tous ceux qui, à l'appui de nouvelles demandes, feraient référence aux pertes subies dans le cadre des conflits qui nous ont opposés dans le passé.

La construction européenne n'est pas une entreprise de « réparations ». C'est une œuvre de « réconciliation » - ne n'oublions jamais - et elle est sans précédent dans l'histoire du monde ! Jamais, dans les années cinquante, la France et l'Allemagne ne se sont opposé ce genre d'argument. Elles se retrouvaient sur l'essentiel : tourner la page et retrouver ensemble un avenir.

Retrouver l'esprit communautaire, c'est renouer avec le sens profond du projet européen. L'Europe n'est pas d'abord un club de consommateurs qui se retrouvent pour lancer des projets ; elle est elle-même projet. Il faut le réaffirmer et redonner sens à ce projet européen. Il faut qu'il soit visible dans le monde et que les Européens s'y reconnaissent.

J'en viens donc à la nécessité de « caler » le projet européen sur la confiance des Européens et, en particulier, des Français.

On peut et on doit sortir du débat caricatural qui a opposé, pour ratifier le traité, la voie référendaire qui représenterait la perfection démocratique et la voie parlementaire qui marquerait une confiscation par le Parlement. Cette opposition n'a aucun sens !

Ne donnons pas, pour autant, le sentiment que, puisque les Français n'ont pas répondu au référendum comme on le souhaitait, ils ne seront plus consultés. Ils seraient dès lors conduits, à juste titre, à se détourner complètement du projet européen.

Si le nouveau texte est bien ratifié par la voie parlementaire, il faudra, monsieur le secrétaire d'État, imaginer une manière d'associer les Français à la poursuite du projet.

À la veille du 29 mai, on s'était réjoui de les voir se passionner pour l'Europe. Le 30 mai, on brusquement oublié que le sujet pouvait les intéresser. Avec les organisations non gouvernementales, dont c'est la vocation, nous avons tous ici, Gouvernement et Parlement, une grande responsabilité à cet égard !

Je conclus en rappelant une dernière réalité : la France est maîtresse chez elle ; elle ne l'est pas chez ses partenaires. Le projet européen est collectif et concerne vingt-sept États partenaires. Même si la France n'est pas tout à fait prédisposée à cela, il lui faut apprendre à écouter des partenaires qui peuvent avoir raison, exprimer des idées, réussir par d'autres voies que celles que notre pays a choisies. Il faut apprendre à la France à respecter ses partenaires, qu'ils soient fondateurs ou nouveaux membres, grands ou petits, contributeurs ou bénéficiaires nets.

Il convient que le couple franco-allemand reconsidère sa vocation d'origine en jouant un rôle de médiateur et que chacun prenne sa part du travail pour servir l'intérêt commun.

Alors le projet européen sera le projet des Européens, le projet de réconciliation durable, le projet de paix, de liberté et de promotion des droits de l'homme que le monde attend. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

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