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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
11 novembre 2006

Intervention au débat sur le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006

drapeau_UE

Monsieur le président,
Madame la ministre,
Mes chers collègues,
Comme on l'a déjà souligné, ce débat est heureux. Comme d'habitude, il se tient à la veille du Conseil : je me demande quelquefois si nous ne débattons pas plutôt pour préparer le Conseil suivant que celui d'après-demain ! Il est quand même utile dans la mesure où vous nous avez apporté, madame la ministre, une information très complète et précise sur ce qui va se passer lors du Conseil. Je tenais à vous en remercier.

Si nous considérons que les parlements nationaux ont vraiment un rôle dans la construction européenne, il faut leur permettre de le jouer. Il serait ainsi satisfaisant d'organiser plus en amont et de manière plus structurée ces réunions d'avant-Conseil. Comme peut le confirmer le président Hubert Haenel, nous faisons l'effort de mettre en oeuvre le futur article 88-5 de la Constitution. Nous pourrions également accomplir les mêmes progrès dans la tenue de ce genre de débat.

Dans quel contexte se tient ce Conseil ?
D'une part, l'actualité n'est plus européenne, comme le montre cette anecdote. Faisant partie d'un panel de responsables interrogés sur l'actualité des trois derniers mois, je réponds à chaque fois depuis un an que l'important, c'est qu'aucun sujet européen ne retient l'attention. J'aimerais que l'actualité fournisse des sujets plus importants que celui de l'absence d'Europe !
D'autre part, même si l'actualité ne l'est pas, l'attente reste européenne. Je voudrais revenir sur la réunion du Mouvement européen qui s'est tenue le week-end dernier et que vous avez sûrement suivie, madame la ministre. Elle a notamment traduit une attente forte des militants du Mouvement européen et nous pouvons en tirer un certain nombre d'enseignements. Dans notre pays, comme dans d'autres de l'Union européenne, des citoyens attendent de participer, de s'exprimer et d'apporter leur contribution à l'avancée et au redémarrage de l'Union européenne.

Dans ces associations fonctionnant dans les États membres de l'Union européenne, un événement important s'est produit. Jusqu'à présent, et de manière quelque peu volontariste, on considérait que les partis politiques devaient se rapprocher pour s'entendre et avancer sur ce problème commun à nous tous, l'Europe. Depuis ce week-end, la démarche est maintenant renversée. Ceux qui croient en l'Europe, malgré des points de vue divergents ou complémentaires sur un certain nombre de sujets, sont réunis par leur croyance dans l'Europe. Mettons en oeuvre cette diversité comme une richesse - c'est d'ailleurs bien la problématique générale de la construction européenne - pour avancer ensemble et construire cette Europe que les citoyens européens et le monde attendent.

Notre responsabilité est de répondre à l'attente de militants du Mouvement européen et de la plupart des Français ou des Européens. Comment allons-nous procéder ? Si les parlements nationaux assument leur rôle, ce sera déjà un progrès. Mais il faut aussi que les chefs d'État endossent le leur. J'en viens donc au Conseil européen.

Il y a quelques jours, lors du débat sur le prélèvement sur les recettes opéré au profit du budget européen, j'ai rappelé que les chefs d'État et de gouvernement sont président de la République ou chef du gouvernement de leur pays et défenseurs de leurs intérêts nationaux. En même temps, ils sont membres du Conseil européen et donc porteurs de l'intérêt commun européen. Depuis un demi-siècle, nous avons constaté que, lorsqu'un chef d'État français a pris ses fonctions, il est devenu, presque dans tous les cas, plus européen et porteur de cette responsabilité collective européenne.

La campagne électorale dans laquelle nous nous lançons devrait permettre d'anticiper sur cet engagement européen : les candidats devraient entrer dans cette démarche et être à la fois défenseurs des intérêts nationaux et porteurs de leur part de responsabilité pour construire cette Union européenne. Je fais peut-être un rêve en imaginant cela.

Les candidats doivent élargir le plus possible leur assise pour être élu, mais ils ne devraient pas être obligés de réduire leurs ambitions européennes pour ne fâcher personne ou pour trouver un consensus. Tout rapprochement avec des situations réelles ou des personnages existants serait fortuit... J'aimerais que personne ne tombe dans ce défaut.

Si on entre dans cette logique, celui qui voudrait devenir le président de tous les Français devrait-il renoncer à toute ambition européenne pour ne fâcher personne ? Bien sûr que non ! Cela relèverait de l'irresponsabilité totale et constituerait la négation de cette construction européenne à laquelle nous croyons, de cette Europe qui est notre frontière, notre destin, notre chance et, bien souvent, la solution à la plupart de nos problèmes. Malheureusement, cela ne fonctionne pas toujours ainsi.

J'en viens à l'ordre du jour du Conseil de jeudi et vendredi. Il est vrai qu'il est chargé, comme vous l'avez souligné. Le risque est alors qu'en voulant parler de tout on ne parle pas de grand-chose ou, en tout cas, que le résultat soit quelque peu inaudible. Quand il y a du bruit, on ne perçoit plus rien.

Or, il faudrait pouvoir entendre l'Europe. Madame la ministre, vous devriez évoquer - si c'est possible - ce sujet avec le chef de l'État avant le Conseil. Un premier résultat serait déjà de réussir à faire émerger quelques idées fortes, afin que l'Europe soit à nouveau audible par nos concitoyens.

Dans l'ordre du jour, on retrouve le sujet classique sur l'approfondissement-élargissement de l'Union européenne. Depuis des années, on débat de cette problématique : les deux objectifs sont-ils compatibles ou contradictoires ?

S'agissant de l'approfondissement, le débat a été ouvert très heureusement par la Finlande, qui vient de ratifier le traité institutionnel. Je pense que cela devait être rappelé. On est maintenant à seize oui, deux non et sept qui n'ont rien dit.

Nous sommes aujourd'hui tous d'accord sur le fait que, à vingt-sept, le traité de Nice ne peut plus fonctionner. Il faut donc en sortir, en se respectant les uns les autres. Il faut que les seize pays qui ont dit « oui » respectent les deux qui ont dit « non », mais il faut également que les deux qui ont dit « non » respectent les seize qui ont dit « oui », parce qu'ils sont tout de même nombreux et qu'ils ont des choses à dire.

À cet égard, je ferai deux propositions.
Tout d'abord, je pense que nous ne nous en sortirons pas sans passer par le couple franco-allemand. La France et l'Allemagne sont dans les deux positions extrêmes sur ce sujet. C'est « Tout le traité, rien que le traité » pour l'Allemagne. Quant à la France, elle dit ne plus vouloir entendre parler du traité auquel elle a dit « non », car elle ne veut pas revenir sur ce qu'elle a dit. Il faut que l'Allemagne et la France fassent un effort pour rapprocher leurs points de vue et pour faire une proposition susceptible d'être l'objet d'un consensus sur le fondement duquel nous pourrions alors repartir.

Ensuite, j'ai été frappé, comme certains d'entre vous sûrement, mes chers collègues, parce que Jean-Claude Juncker nous a dit lorsqu'il a été reçu par la délégation du Sénat pour l'Union européenne. S'agissant des coopérations renforcées, il nous a dit que, lorsque nous, les Français, nous en parlions, nous envisagions toujours d'en être le centre, mais qu'il fallait savoir que c'était aussi le cas de nos partenaires de l'Union européenne, par exemple de ceux qui ont dit « oui », que ce soit le Luxembourg ou l'Espagne. Or, dans ce cas, nous n'en sommes plus : ni au centre ni ailleurs ! Il nous a donc incités à faire preuve d'un peu d'humilité, à reprendre notre rôle d'éclaireur, mais en nous mettant au service de l'ensemble de l'Union européenne et de nos partenaires. Si nous parvenions à nous mettre dans cet état d'esprit, nous progresserions et nous repartirions.

S'agissant de l'élargissement, je souhaite que l'on accueille la Roumanie et la Bulgarie un peu mieux que l'on a accueilli les autres pays d'Europe centrale et orientale le 1er mai 2004. Une réflexion doit être menée sur ce sujet. Peut-être n'est-il pas trop tard pour accueillir d'un coup, à l'occasion de l'anniversaire du traité de Rome par exemple, tous ceux qui nous ont rejoints depuis trois ans ? C'est une idée. Je pense en tout cas qu'il faut faire quelque chose. Nous ne pouvons pas être les derniers à ratifier l'élargissement à la Roumanie et à la Bulgarie et, dans le même temps, dire aux autres pays qu'il n'est pas normal qu'ils écoutent les Américains ou les Allemands plus que nous. Reprenons l'initiative ! N'attendons pas toujours que les autres nous supplient de leur venir en aide.

S'agissant toujours de l'élargissement, je m'arrêterai quelques instants sur la Turquie, car cette question sera l'un des points forts du Conseil.
Le Président de la République a eu raison, voilà quelques semaines, de déclarer que la question de l'Arménie était au centre du débat et qu'il ne fallait pas accueillir la Turquie dans l'Union européenne tant qu'elle n'aurait pas fait un effort dans ce domaine. De la même manière, je pense que la Commission a eu raison de lancer un débat concernant la relation entre la Turquie et Chypre. La Turquie ne peut pas vouloir entrer dans l'Union européenne sans reconnaître Chypre, l'un des États membres de l'Union, comme un partenaire à part entière. C'est impensable ! Je suis donc heureux que, après-demain, le Conseil suive - c'est du moins ce que j'ai compris - la position de la Commission.

À l'avenir, tôt ou tard, nous nous heurterons à un mur, à un blocage au sujet de la Turquie. Pour l'instant, nous gagnons quelques semaines, quelques mois, mais, une fois que les Turcs auront dit « oui » à l'Arménie, qu'ils auront réglé le problème de Chypre, qu'ils auront rempli toutes les obligations, repris l'acquis communautaire, il se pourra que l'un des pays membres de l'Union leur dise « non ». Il faut donc leur expliquer aujourd'hui que la Turquie n'entrera dans l'Union européenne que si tous les pays sont d'accord. On feint de l'ignorer pour l'instant, mais, le jour où cela se produira, dans quinze ans par exemple, ce sera un drame majeur. Nous devons nous y préparer, soit en faisant en sorte qu'aucun pays ne dise « non » - mais je ne pense pas que ce sera le cas ; aujourd'hui Chypre, par exemple, sans même parler de la France, dirait évidemment « non » -, soit en renouant le dialogue, pour repartir sur des bases claires et saines.

Pourquoi ces négociations ne marchent-elles pas ? Parce que l'Europe n'est pas gouvernée ! Si l'Europe était gouvernée, si l'Union européenne avait eu un président, un ministre des affaires étrangères, nous saurions depuis des années qui négocie avec la Turquie et sur la base de quel mandat. Ce responsable aurait prévenu la Turquie du risque qu'un État membre dise « non » à son adhésion en bout de parcours et lui aurait conseillé de se contenter d'une coopération renforcée. Nous aurions alors pu ouvrir avec la Turquie un dialogue beaucoup plus constructif.

Mais la Turquie ayant eu le sentiment, à juste titre d'ailleurs, qu'elle allait pouvoir adhérer à l'Union européenne, qu'elle pouvait donc être candidate, ne veut plus d'aucune autre solution. Nous sommes dans une impasse ! Il faut en sortir. L'Europe a besoin d'être gouvernée.

Je pourrais également parler du besoin de gouvernance s'agissant de l'euro. Nous avons aujourd'hui un débat sur l'indépendance de la banque centrale européenne. Nous feignons de découvrir qu'elle est indépendante. Or nous nous sommes battus pendant des années pour qu'elle le soit ! Et il est bon que ce soit ainsi. Nous avons besoin d'une banque centrale indépendante, chargée de maîtriser l'inflation. Mais, en même temps, comprenons bien que, si la banque centrale est orpheline, pour reprendre l'expression chère à Jean Arthuis, si notre monnaie est orpheline d'État, cela ne marchera pas. Il faut un pouvoir économique et un pouvoir politique. Là est le débat. Ne racontons pas n'importe quoi sur ce sujet ! Ne faisons pas de l'euro, et à travers lui de l'Europe, le bouc émissaire de toutes nos difficultés, de toutes nos incapacités à aller de l'avant. Ce ne serait ni sérieux ni responsable.

S'agissant de l'énergie, ne nous contentons pas d'aborder ce débat de manière franco-française.
Ne considérons pas que, avec le débat franco-français que nous venons d'avoir, nous avons fait ce qu'il fallait en matière d'énergie. Permettre la fusion entre Suez et Gaz de France, ce n'est pas traiter le problème de l'énergie à l'échelon européen. Un débat européen sur l'énergie ainsi qu'une politique européenne de l'énergie sont nécessaires.

Je regrette qu'il ne soit pas prévu de discuter de la défense au cours de ce Conseil, ou très peu. Comment retrouver un élan aujourd'hui ? Ce n'est pas plus difficile que lorsqu'il s'est agi de réconcilier la France et l'Allemagne en 1950. Ce n'est pas plus difficile que d'avoir fait tomber le mur de Berlin. Nous sommes arrivés à relever ces défis qui, à l'époque, étaient considérables. Nous devrions donc réussir aujourd'hui à sortir du marécage dans lequel nous nous vautrons un peu trop complaisamment.

Il faut trouver des leviers. L'élargissement en est un, car il est une bonne occasion de nous pencher sur les véritables questions qui se posent aujourd'hui. Il faut l'utiliser complètement, écouter les peuples, fabriquer de bonnes institutions. Il faut proposer des projets, mais il faut surtout redonner du sens à la construction européenne. Pour cela, il faut retrouver l'intuition des pères fondateurs, qui ont décidé de construire et d'apprendre aux hommes à travailler ensemble afin que la paix qu'ils allaient bâtir jour après jour soit durable.

Aujourd'hui, madame la ministre, au Conseil d'Helsinki, vous allez évoquer, et j'en suis heureux, le développement à travers l'immigration. Vous le savez, c'est mon dada. La cause de la paix dans le monde ne peut avancer que si l'on traite les problèmes du développement, dans nos pays développés, mais surtout dans les pays qui sont en retard. Il faut mettre en place une grande politique du co-développement. Ce ne sont pas les États-Unis qui le feront, ni aucun des États de l'Union européenne, car ils n'en ont pas les moyens. Seule l'Union elle-même peut le faire.

Je souhaite que la France propose à l'Union européenne de lancer une grande politique de co-développement. Elle renouera ainsi avec sa vocation à dire quelque chose au monde. Cela redonnera du sens à la construction européenne. Cela remotivera et remobilisera les jeunes en faveur de cet extraordinaire projet qu'est la construction européenne. Au passage, nous traiterons ainsi les véritables problèmes que sont pour nos concitoyens l'immigration ou les délocalisations d'activités. Nous aurons alors fait oeuvre utile.

Jean Monnet disait qu'entre les eurosceptiques et les euro-optiministes il y avait les « eurodéterminés », dont il faisait partie. Il faut remettre notre espérance, appuyée sur notre eurodétermination, au service de l'Europe.

En conclusion, monsieur le président, j'évoquerai Bronislaw Geremek, selon qui il n'est d'engagement politique qui vaille que fondé sur une utopie. Pendant un demi-siècle, a-t-il raconté, le peuple qui est sien - le peuple polonais -, mais également les autres peuples qui vivaient derrière le rideau de fer, ont nourri une utopie : celle de recouvrer leur liberté. Cette utopie, a-t-il ajouté, ils sont arrivés à la concrétiser. Une utopie peut donc se réaliser. Il terminait son propos par cette exhortation : sois optimiste, imbécile ! Vis cette utopie ! Engage-toi en politique, fais fonctionner l'Europe, fais vivre l'Europe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

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