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ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
29 mai 2006

Intervention sur les adhésions de la Bulgarie et de la Roumanie à l'UE

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne. J'ajouterai simplement : « Enfin ! »

J'insiste en effet à mon tour, et avec une ferme conviction, sur la force des liens culturels et historiques qui nous rattachent à ces deux pays éminemment francophiles et, vous le rappeliez, madame la ministre déléguée, très attachés à la francophonie. Pour ce qui concerne la Roumanie, sa culture est même latine, voire romane.

Ces liens ont créé entre nous une réelle complicité qui aurait largement justifié que, à titre au moins symbolique, la France s'attache à être parmi les tout premiers pays à ratifier ce traité. Elle est vingt-troisième, et encore parce que l'Allemagne et le Danemark ont bien voulu s'effacer devant elle ! Aurions-nous perdu le sens du symbole ? La vie du monde et la construction européenne ont pourtant aujourd'hui bien besoin de gestes. Voilà donc une occasion manquée ! J'espère que nous saurons saisir les prochaines qui se présenteront, ou que nous saurons en imaginer.

Plus généralement, je regrette à nouveau ici que le Parlement français ne sache pas donner la priorité, dans l'établissement de son ordre du jour, aux textes européens. Nous les examinons lorsque nous y sommes obligés ou lorsque nous n'avons rien de mieux à faire, comme si l'Europe ne nous intéressait qu'à nos heures perdues, quand nous avons le temps, alors qu'elle est notre espérance et notre avenir.

Toujours dans la rubrique des regrets, je mentionnerai le contexte dans lequel nous discutons aujourd'hui de ce nouvel élargissement, rejoignant les propos que vient de tenir mon collègue Jean-Pierre Bel : je veux bien sûr parler de la paralysie institutionnelle actuelle de l'Union, résultat du « non » du peuple français lors du référendum du 29 mai 2005.

Tétanisés par ce 29 mai, nous en viendrions presque, en France, à considérer que l'Europe ne peut que créer des ennuis, ou faire perdre des voix... Nous évitons donc soigneusement de parler de l'Union, alors que la campagne pour le référendum avait précisément exprimé une forte attente et remis l'Europe au coeur du débat citoyen. Je me permets donc d'appeler ici à nouveau tous les candidats à l'élection présidentielle à se souvenir que 48 % des Français ont voté « oui » et qu'ils se sentent aujourd'hui orphelins de l'Europe, comme d'ailleurs sans doute un certain nombre de ceux qui ont voté « non », et comme la France elle-même !

N'ayons pas peur de remettre l'Europe au coeur du débat français. Puissent nos amis roumains et bulgares nous y inciter et nous en redonner le goût ! Ils nous apporteraient déjà, et immédiatement, une contribution sans prix.

Plus précisément, la complexité du processus d'adhésion à l'Union européenne rappelle aujourd'hui l'urgente nécessité de donner une véritable autorité à l'Union en lui conférant de réelles capacités de décision. L'Europe et le monde seraient-ils si paisibles, si prévisibles, si lisibles, que l'Union puisse s'offrir le luxe de demeurer plus longtemps dans l'incapacité à trancher et à tracer de nouvelles perspectives ? Paralysante à vingt-cinq, cette incapacité deviendra asphyxiante à vingt-sept !

Dans ce domaine aussi, nous attendons de la Bulgarie et de la Roumanie qu'elles nous encouragent à retrouver notre élan. Tant que nous ne l'aurons pas retrouvé, tant que nous nous contenterons de réfléchir, de nous concerter pour mieux repousser au lendemain toute décision, nous resterons en panne et nous n'assumerons pas nos responsabilités au regard de la construction européenne et, au-delà, de l'Histoire.

Dans le processus d'adhésion qui est au coeur du débat d'aujourd'hui, les anciens membres de l'Union comme les nouveaux doivent conjuguer leurs efforts : s'il n'est pas facile de rejoindre l'Union, il n'est pas plus facile pour celle-ci d'accueillir de nouveaux membres. Qu'anciens et nouveaux membres joignent donc leurs efforts, en se souvenant que ceux-ci porteront à terme, et à bien des titres, des fruits largement communs.

Nous devons consentir un effort de solidarité, qui peut certes apparaître lourd mais qui, à mon sens, n'a d'égal que les efforts de rattrapage déployés par les nouveaux membres, dont le produit intérieur brut par habitant représente à peine 30 % du PIB moyen des Vingt-Cinq, mais dont le taux de croissance annuel est au moins le double sinon le triple du nôtre. En soutenant leur PIB, nous sommes appelés à participer aux fruits de leur croissance, et ce n'est pas forcément mauvais pour nous non plus !

Ces pays sont motivés par leur perspective d'adhésion à l'Union et par l'espoir que l'Europe suscite chez eux. Ne les décevons pas ! Réjouissons-nous plutôt de voir que l'idée européenne continue à séduire, et pas seulement sur le plan financier ! Les nantis que nous sommes oublient un peu vite que cette idée est l'une des plus grandes et des plus belles qui soient.

Au passage, je note que la formule « capacité d'absorption » fait un peu « Union de repus ». Je n'aime pas cette expression et je souhaiterais que l'on en imagine une autre, plus dynamique et plus tonique : trouvons mieux, nous devons en être capables !

Nos nouveaux partenaires comprennent fort bien les exigences de l'Union lorsque nous parlons de l'établissement d'un marché libre et concurrentiel, lorsque nous parlons de budget - les Français n'ont guère de leçons à donner en matière de rigueur budgétaire, même s'ils en reprennent le chemin -, lorsque nous parlons de l'État de droit, des droits de l'homme ou encore de la lutte contre la corruption et le crime organisé.

Les chantiers ouverts par les deux États qui vont nous rejoindre sont immenses, à l'égal de leur volonté politique. Il est clair qu'ils continueront à conduire ces chantiers, comme le leur a légitimement demandé la Commission européenne, car ils comprennent fort bien l'exigence que nous leur imposons ainsi que l'a excellemment souligné notre collègue Jacques Blanc dans son rapport.

La confiance que nous allons accorder à nos nouveaux partenaires et le soutien vigilant que nous leur apporterons dans cette voie difficile et exigeante, ne peuvent laisser place chez nous au pessimisme ni même au doute. L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie n'en constitue pas moins une réelle chance pour la France et pour l'Europe : elle nous permet de poursuivre la stabilisation du continent européen et de promouvoir les valeurs démocratiques, républicaines et humanistes qui nous sont communes. Nous ne le ferons jamais assez ! Elle nous offre enfin une nouvelle occasion de penser vraiment les frontières de l'Europe.

L'élargissement de l'Union européenne à la Roumanie et à la Bulgarie, le dernier que nous ratifierons par la voie parlementaire, nous amène à réfléchir à nouveau sur deux sujets particuliers : la question de la Turquie, d'une part, le devenir des Balkans mais aussi de la Moldavie et de l'Ukraine, d'autre part.

S'agissant de la Turquie, d'abord, et en essayant de ne pas trop peiner le rapporteur, mon ami Jacques Blanc, je rappelle simplement qu'à l'UDF nous restons convaincus que ce grand pays ami ne peut, à l'heure qu'il est, entrer dans l'Union européenne.

Au-delà des réserves culturelles habituelles dont nous discutons souvent, nous ne pouvons accepter comme membre de l'Union un État qui en conteste les frontières. Je pense ici, vous l'avez compris, au problème de Chypre. De la même façon, nous soutenons évidemment le Président de la République lorsqu'il demande à la Turquie de reconnaître le génocide arménien. Nous pensons qu'elle sortirait elle-même grandie d'une telle démarche dont la portée serait formidable, en Europe et dans le monde. Ici aussi, l'exigence que nous devons afficher vis-à-vis de la Turquie doit être mise au service de relations futures qui ne peuvent être fondées que sur la confiance et la proximité.

Sur ce point entre autres, nous mesurons combien ont manqué et continuent de manquer à l'Union européenne un Président et un ministre des affaires étrangères, clairement mandatés par l'Union pour discuter avec la Turquie et ayant à rendre compte de leur mandat. Peut-on aujourd'hui imaginer et accepter que, de non-dits en non-dits, on se retrouve dans quinze ans avec une Turquie ayant satisfait aux conditions que nous lui aurons imposées pour nous rejoindre, mais à laquelle un ou plusieurs États membres diront non, engageant par leur refus l'ensemble de l'Union ?

C'est aujourd'hui qu'il faut clarifier le dossier turc, dans l'intérêt et de l'Union et de la Turquie, qui doit se sentir réellement encouragée et accompagnée sur le chemin de la démocratie et des droits de l'homme. Faute de le faire, nous préparons à l'Union et à la Turquie des lendemains bien difficiles !

Il serait irresponsable de notre part de considérer que, comme pour la dette publique ou les retraites, nos enfants régleront ce problème : c'est aujourd'hui qu'il doit être traité. Nous ne pouvons rester plus longtemps, au pire, dans l'hypocrisie, au mieux, dans l'ambiguïté.

S'agissant maintenant de la Roumanie et de la Bulgarie, nous ne pouvons ignorer les liens forts que les Balkans, la Moldavie ou l'Ukraine entretiennent avec ces deux pays. L'élargissement du 1er janvier prochain nous offre l'occasion de développer une lecture plus concrète et plus humaine à la fois de la situation et du devenir de ces pays. Une fois dans l'Union, la Bulgarie et la Roumanie auront une responsabilité particulière à leur égard, un peu comme les pays baltes assument aujourd'hui une responsabilité particulière pour établir des relations nouvelles avec la Russie. Il faudra donc savoir écouter les Roumains et les Bulgares.

L'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union vient à son heure pour rappeler ce que représente l'Union sur notre vieux continent et dans le monde, pour rappeler aussi que, devant l'Histoire, nous n'avons pas le droit de laisser l'Union en panne.

Il ne me reste qu'à souhaiter la bienvenue dans l'Union européenne à ces deux pays amis de la France, puisque le Sénat va accepter, je n'en doute pas, d'autoriser la ratification du traité qui rendra leur adhésion effective dans trois mois. À titre personnel, je m'en réjouis, de même que le groupe UC-UDF qui, bien sûr, votera en faveur de cette ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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