Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
21 septembre 2005

Journée Franco Autrichienne

logocfacompresse11

Intervention de Denis Badré, Président du Groupe d'amitié France-Autriche du Sénat, lors de la Journée Franco Autrichienne organisée par l'IFRI à Salzbourg le 10 octobre 2005

    

Chers amis,

[…] Je voudrais partir, dans mon exposé, de ce que j’ai vu ce matin sur un des transparents de M. Nachtnebel : d’une part les deux drapeaux français et autrichien, qui flottent au vent très activement, et qui préparent donc l’avenir, et d’autre part, le drapeau européen, qui reste immobile. Cela a provoqué chez moi deux réflexions : d’abord, je pense que si certains voient les relations entre les Etats-membres et l’Union de cette manière, c’est certainement que l’Union est insuffisamment politique. Et par ailleurs, nous n’avons pas suffisamment pris conscience que l’Union, c’est nous ! L’Union n’est pas un bouc émissaire à Bruxelles, qui peut être bien commode. Nous devons porter l’Union. Arrêtons de nous contenter de critiquer la Commission, ou de renvoyer à Bruxelles tous les défauts que nous n’avons pas su corriger chez nous !

Si l’on m’avait donné une demi-minute pour dire comment les Français voient l’Autriche, je n’aurais pas dit que l’Autriche est pour nous une mauvaise Allemagne, j’aurais dit que l’Autriche est une bonne Suisse. Parce que, pour les Français, la Suisse, c’est quelque chose de connu, c’est d’abord limitrophe, donc, on voit mieux ce que c’est. Mais la Suisse, c’est un peu irritant : ce côté dans lequel la finance domine tout énerve les Français. Et on a le sentiment que l’Autriche, c’est un peu comme la Suisse : un pays de montagne, vers l’Est, mais un peu plus loin donc on connaît un peu moins bien, et puis surtout, on y parle moins d’argent. Pendant longtemps, vous [Autrichiens] avez été dans une situation économique un peu plus rude, vous avez vécu une histoire un peu plus difficile, et cela vous a formé le caractère. Cela fait que vous êtes aujourd’hui des partenaires avec lesquels on peut parler de sujets sérieux , non financiers, ce qui est peut être  moins facile , avec les Suisses.

J’ai eu l’honneur au Sénat de présider une Mission sur l’expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises françaises. J’ai eu à cette occasion la chance et l’opportunité de travailler avec un certain nombre d’étrangers, de voir quel regard ils portaient sur la France, et de mesurer combien pouvait être intéressant l’exercice des regards croisés. J’ai constaté à ce moment-là que, bien sûr, la France aux yeux de la plupart des étrangers, c’est d’abord une terre de bien-vivre : « Glücklich wie Gott in Frankreich ! ». Or je me disais toute cette journée, et je me le dis depuis longtemps aussi, que l’Autriche aussi est une terre de bien-vivre. « Glücklich wie Gott in Österreich ! ». Premier point commun.

Deuxième point commun : j’ai toujours entendu nos partenaires à l’étranger dire de la France que les Français étaient compétents. C’est pour ça d’ailleurs qu’ils s’en vont ailleurs. Ils sont sollicités dans le monde entier, leurs compétences sont demandées, parce qu’ils sont bons. Et c’est vrai dans de nombreux domaines ! Nous ne somme pas si mauvais en mathématiques ou en biologie,  mais malheureusement, les mathématiciens et les biologistes français sont à Boston. Nous ne sommes pas si mauvais dans un certain nombre de disciplines artisanales, et je pourrais citer bien d’autres domaines encore, dans les domaines culturels par exemple. Je pense que de la même manière, les Autrichiens sont perçus, comme des gens compétents, parce que sérieux.

Français et Autrichiens sérieux, Français et Autrichiens habitant une terre de bien-vivre. Nous partageons ces caractéristiques pour des raisons fondées. Malheureusement, nous différons sur une autre caractéristique qui découle de ce que je viens de dire, du fait que nous habitons une terre de bien-vivre et que nous sommes compétents, vous comme nous. Nous divergeons car la France est un Etat jacobin, centralisateur, et, du coup, nous partons du fait que nous avons un pays dans lequel où il fait bon vivre et où nous sommes les meilleurs du monde, pour devenir très arrogants. Alors que vous, qui habitez un pays fédéral, vous avez pu passez à côté de ce risque.  Vous êtes beaucoup plus conviviaux que nous, vous acceptez beaucoup plus le dialogue, vous acceptez beaucoup plus de travailler en équipe. Et je m’arrête là dessus, parce que cela me paraît tout à fait important. Ainsi, j’aimerais personnellement être fier d’être Français, d’être de ce pays qui est celui de Schuman et de Monnet, lesquels ont offert à notre vieux continent ce projet fantastique qu’est l’Union Européenne, dès le lendemain la guerre. Malheureusement, je n’en suis pas toujours fier, parce qu’effectivement, nous ne nous mettons pas suffisamment dans la continuité, en équipe avec nos partenaires de l’Union, au service de ce projet extraordinaire qu’ est la construction européenne.

[…] Je pense que si la France a réagi de manière un peu extrême  à l’égard de l’Autriche, en 1999-2000, c’est pour plusieurs raisons qui me paraissent devoir être prises en compte par tous. D’abord, nous étions en période de cohabitation. Nous avions un Premier Ministre et un Président, tous les deux candidats aux présidentielles, et représentant les deux camps politiques français. Ils étaient donc en concurrence et ils ont  fait de la surenchère. Ils ne pouvaient pas, ni l’un, ni l’autre, ne rien dire, dans ce contexte, et du coup, c’était à qui en dirait le plus. Il y a donc une affaire de circonstance nationale française, qui a exacerbé à ce moment là cette difficulté. L’autre raison, c’est que les Français, de manière un peu inavouée, mais je crois profonde, sont assez mal à l’aise avec ces affaires d’extrême droite. Nous n’avons pas beaucoup de leçons à donner, parce que, finalement, nous ne sommes pas forcement à l’abri de tout reproche. Et cela nous faisait donc finalement un peu plaisir de voir se focaliser le tir sur d’autres. Et ceci me ramène à une réalité dans l’histoire récente : la France a très vite réécrit son histoire du 20ème siècle. On a occulté tout ce qui s’est passé pendant la guerre, dont une partie qui n’était pas très glorieuse. Très vite, on s’est satisfait et glorifié de s’être retrouvé dans le camp des vainqueurs. On aurait très bien pu être dans le mauvais camp à la sortie de la guerre. C’est un peu miracle qu’on ait pu, grâce au Général de Gaulle notamment, se retrouver dans le camp des vainqueurs. Et c’est aussi un miracle qu’on ait pu échapper à une dérive totalitaire d’extrême-gauche à ce moment-là. Les années 45 et 46 en France ont été difficiles. Vous [Autrichiens] avez vécu une dizaine d’années difficiles, nous en avons vécu deux ou trois, mais finalement, nous avons vécu un peu, de manière différentes certes, les mêmes miracles et les mêmes situations tout à fait extrême. Dernière observation sur cette affaire de 1999-2000, la diplomatie officielle a ses règles. Nous avons vu à l’époque le rôle que pouvait jouer la diplomatie parlementaire. Il est  des temps où un Parlementaire, qui est par naissance indépendant, et peut  établir des relations personnelles avec d’autres Parlementaires, peut « monter en ligne » pour dire ce qu’il a sur le cœur et  ce qu’il pense, en, prenant du recul par rapport aux règles de la diplomatie officielle. Et cela est excellent ! C’est pour moi un grand honneur, de ce point de vue là, de porter la responsabilité de ce groupe d’amitié France-Autriche. Je pense que c’est aussi comme cela qu’on construit l’Europe et qu’on prépare l’avenir du monde.

Puisque j’ai à charge de développer le regard que les Français peuvent porter sur l’Autriche, je voudrais parler maintenant de la diplomatie. Pour moi, les Autrichiens sont «  diplomates ». On parlait tout à l’heure du Congrès de Vienne, je constate qu’aujourd’hui, c’est une Autrichienne qui est Commissaire aux Affaires Etrangères de l’Union Européenne, et la semaine dernière, nous avons entendu Ursula Plassnik parler au monde entier de l’affaire de la Turquie…   Il y a une tradition de diplomatie en Autriche. Et je rappelle cela à dessein à la veille de la présidence autrichienne, pour vous dire que personnellement, j’attends beaucoup de cette présidence, j’attends beaucoup des Autrichiens. Je suis à votre disposition, si vous le souhaitez, pour travailler avec vous, pour préparer ce semestre qui sera un semestre-clé dans l’histoire de l’Union Européenne. Il ne faut rien rater. Tout est possible, mais tout sera difficile. Je cite simplement quelques points-clés : l’affaire du budget […] et le processus de Lisbonne. Je suis pour ma part convaincu que le processus de Lisbonne est vital pour l’avenir de l’Europe. Le vrai problème de tous nos pays, quelle que soit la situation économique et sociale du moment, c’est les délocalisations d’entreprises, c’est l’emploi, c’est le développement d’activités : quelles seront les activités sur lesquelles notre vieux continent fondera son emploi et son économie demain, après-demain et par la suite… Tel est le vrai sujet :   la  répartition  des activités dans le monde. De ce point de vue, nous devons avoir des priorités, et je pense que si le processus de Lisbonne peu être un peu critiqué, c’est parce qu’il reste un peu technocratique et un peu administratif. Il devrait être présenté de manière plus politique. Je propose qu’on retienne  une présentation qui serait :

1/ Nous devons avoir plus d’Europe.

2/ Pourquoi plus d’Europe ? D’abord pour avoir plus de sciences et plus de technologies, parce que c’est l’emploi de demain, et qu’aucun des pays d’Europe ne pourra exister seul dans ce domaine. Et quand on parle de pôle de compétitivité – je fais une critique au système français : c’est un système qui est encore trop national - Nous devons mettre en place un réseau scientifique européen. Je pense que l’Autriche est en avance sur nous dans ce concept, sinon dans sa réalisation. Je pense qu’ensemble nous devons travailler à mettre en place ce réseau scientifique et technologique européen. C’est la condition pour que nous soyons compétitifs par rapport à nos grands concurrents développés dans le monde, et notamment par rapport aux Etats-Unis.

3/ Plus d’Europe aussi car nous devons prendre conscience de ce que l’équilibre du monde de demain, c’est la possibilité qui sera offerte aux pays  en développement de se développer. Nous devons, nous Européens, proposer au monde une politique de développement, pour que les peuples qui meurent de faim cessent d’être dans cette situation, et trouvent enfin la voie d’un développement respectueux de tous.

Je pense donc, que Lisbonne, c’est plus d’Europe, plus de recherche et d’innovation, plus de développement. Autour de cela, nous pouvons bâtir une vraie politique européenne, lisible par les Européens et dans le monde.

Je reviens maintenant sur les complémentarités entre la France et l’Autriche. Sur la culture, d’abord. On a tout dit sur le prestige de la musique autrichienne, sur la littérature française, sur 1900 et les expositions croisées à Vienne et à Paris. Je ne vais pas y revenir, mais je pense qu’il est très important, quand  on parle de sciences, de politique, de diplomatie, ou de quoi que ce soit d’autre, il est très important de toujours se référer à la culture. Je cite simplement pour cela une image qui m’a toujours paru très belle : « la langue et la culture sont à un peuple, ce que le visage est à une personne. C’est ce qui permet à une personne d’avoir une identité, une dignité, d’exister », vis à vis de ses partenaires.. La langue et la culture sont ce qui permet à une nation, à un peuple d’avoir une identité, une dignité, et d’exister, quel que soit sont niveau de développement. C’est à partir de cela qu’on peut bâtir une politique scientifique par exemple. […]

J’ai aussi été très sensible à ce que disait tout à l’heure M. Barazon, en rappelant que les Autrichiens s’ingénient à parler de PIB et d’économie. Parlons ensemble du patrimoine que représentent notre culture et notre histoire. Assumons nos histoires ! Même, et surtout lorsqu’elles nous ont amenés à entrer en conflit les uns avec les autres. […]. Nous devons tous nous nourrir de cette histoire, qui quelques fois, en nous amusant, en nous faisant sourire, mais beaucoup plus souvent de manière finalement très sérieuse, peut nous amener à relativiser beaucoup de drames de l’instant, et à essayer de dessiner ensemble un futur qui nous concerne tous.

Sur la géographie, deux mots pour parler de la diversité de nos pays. On l’a dit tout à l’heure, pour les Français, l’Autriche, c’est Vienne, mais c’est beaucoup plus le Tyrol ! Et il ne faut pas que les Autrichiens l’oublient. On regrettait tout à l’heure que le tourisme des Français en Autriche ne progresse pas. C’est probablement pour des raisons économique, mais aussi parce que nous avons su progressivement développer le tourisme dans les Alpes françaises, lesquelles étaient très en retard par rapport à l’Autriche il y a encore 20 ou 30 ans. Dans les Alpes française, nous avons essayé de développer les capacités d’accueil, en regardant comment les Autrichiens avaient fait ! Cette géographie de l’Autriche, qui est un pays de montagne développe chez les Autrichiens quelques caractéristiques : d’abord ce goût de la nature, et ces réflexes écologiques. J’évoquerais aussi dans ce contexte les divergences qui peuvent nous opposer sur les questions liées à l’énergie nucléaire. Je pourrais parler également de tout ce qui concerne les côtés folkloriques : Le folklore, c’est la montagne, c’est normal ! La montagne se sont des particularismes, en même temps que cela développe le sérieux, la gestion rigoureuse. On retrouve aujourd’hui ce caractère dans l’économie.

Enfin, la France comme l’Autriche ont développé avec l’Allemagne une relation passionnelle, difficile souvent. Je pense qu’avant 1999, l’Autriche cherchait à développer ses relations avec la France, précisément pour avoir un autre partenaire que ce partenaire un peu dominant qu’était l’Allemagne. J’aimerais qu’on arrive à retrouver cet objectif aujourd’hui, sans que cela soit tourné contre l’Allemagne, parce que je suis persuadé que l’Europe se construira si nous arrivons à établir autant de relations bilatérales qu’il y a de pays deux-par-deux en Europe, et si nous arrivons en même temps à travailler à  25.  Notre objectif doit être que l’Europe puisse être appropriée par chaque Européen, et que chaque pays apporte sa part d’Europe. Il nous faut aujourd’hui dépasser les préjugés et revenir à la méthode Schuman, qui dit qu’il faut savoir traiter concrètement les grands problèmes du moment, tout en gardant l’œil fixé sur un grand projet politique. […]

         

Publicité
Commentaires
ENSEMBLE POUR NOS COMMUNES
Publicité
Derniers commentaires
Publicité